Marie-Lyne Joncas n’est peut-être pas d’accord, mais mes fesses ne sont pas dangereuses, promis
Je ne suis pas capable de faire du tataki de saumon, mais j’ai de belles fesses, alors je les montre plus souvent sur Instagram que mes talents culinairement absents. Est-ce grave?
Quand l’humoriste Marie-Lyne Joncas a écrit, mardi, que la vraie beauté est à l’intérieur et pas dans un g-string, j’ai eu envie de hausser les épaules et de dire que je le savais: ce qu’il y a dans mon g-string c’est des peluches de petite culotte et une étiquette de Betsey Johnson. Rien pour révolutionner le monde de l’estime de soi et la paix intérieure.
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Oser oublier les listes de do et don’t
Si je montre mes fesses, et mes seins à l’eau saline, et mes cuisses avec des varices, et mes genoux bleutés par des parties de balle molle, ce n’est pas seulement parce que je les trouve beaux. Se montrer, avec ou sans filtre, avec ou sans maquillage, est un défi: se montrer, quand on est une fille, c’est nécessairement déplaire.
Oser se montrer, c’est décider d’oublier les listes de do et don’t, c’est alerter les gens sur ce à quoi nous ressemblons et ce que nous trouvons sexy de nous. Marie-Lyne Joncas a le droit de ne pas trouver ça sexy quand je montre mes fesses en ouvrant mon réfrigérateur dans une position inspirée par Amber Rose.
Je n’enfoncerai jamais un de mes talons de cinq pouces dans la gorge d’une personne qui ne fantasme pas sur mon cul.
Le futur: se montrer live en train de baiser sur Instagram?
Mais elle a tort d’imposer sa pensée aux autres, de faire une distinction moralisante sur «la belle nudité» et «la nudité dégradante et sans profondeur.» Montrer ses fesses quand tu te trouves belle, en sortant de la douche, serait un faux pas, selon l’humoriste, capable de précipiter les «petites pouliches», vers l’envie de «baiser sur Instagram et dire: c’est beau faire l’amour...vivre et laisser vivre.»
Rosalie Genest, une co-autrice du Dictionnaire critique du sexisme linguistique et la coordonnatrice du Défilé de la Fierté du Grand Moncton, déplore l’utilisation d’une plateforme aussi populaire qu’Instagram pour en venir à slutshamer, «sous prétexte de vouloir dénoncer quelque chose qui n’est pas un problème.»
Plutôt que de donner l’impression de vouloir contrôler le corps des femmes, Genest propose plutôt de mettre l’accent sur le fait que chaque personne peut célébrer son corps à façon. Elle souligne que pour elle, montrer ses fesses lui a permis de les accepter et de les aimer. «C’est une façon de me réapproprier mon corps, après toutes les violences que j'ai vécues. Je me respecte, je respecte mon corps et je respecte mon conjoint, même si je dévoile de l'épiderme sur les réseaux sociaux», explique-t-elle.
Le problème avec la cool girl
Croire que les femmes ne sont pas capables d’avoir des limites et qu’elles devraient se conformer qu’à un modèle de nudité acceptable, tout en encourageant la coolitude plutôt que l’acceptation de soi et la diversité est bien plus dangereux qu’une peluche de g-string. «Bravo pour vos photos de fesses...c’est rendu comme le piercing de nombril en 2004...c’est la personne qui en a pas qui est rendue cool », ironisait Joncas. Proposer comme modèle la cool girl, c’est s’opposer aux autres filles, c’est se complaire à être one of the boys, à une fille qui plait dans la chemise de son petit copain, tout en cachant son malaise dans une misogynie nonchalante.
Dans Les Apparences, l’auteure Gillian Flynn révèle la fausseté derrière l’image de la cool girl: «Être la Fille cool, ça signifie que je suis belle, intelligente, drôle, que j’adore le football américain, le poker, les blagues salaces, et les concours de rots.» La fille cool est inévitablement pathétique dans sa fabrication: elle aimera tout ce qui est possible d’aimer sans avoir l’air trop salope ou émue. Elle aimera les hamburgers à trois étages, la bière chaude des festivals et quand elle sera fâchée en ligne, elle utilisera un émoticône de fille qui hausse les épaules.
Montrer ses fesses, quand on s’y sent contrainte, n’est pas digne d’une fanfare, mais se la jouer cool et cracher sur les femmes qui aiment dévoiler autre chose que leurs œufs bénédictines, parce qu’une humoriste a déclaré qu’être cool, c’était de s’obliger à se cacher ou à doser nos désirs de peau, est affligeant.
Il serait nécessaire de se demander ce qui affecte autant Marie-Lyne Joncas (et les 10 000 personnes qui ont aimé son commentaire) dans les corps des autres dévoilés par choix.