De DJ de sous-sol à artiste sélectionné aux Juno
Il y a quelques années, Christophe Dubé, alias CRi, peinait à joindre les deux bouts et ne mangeait guère que du riz ou des lentilles. Maintenant, l’artiste musical est une figure reconnue de la scène électronique et cumule les succès, ici comme à l’international.
Bien avant de faire danser les foules du Piknic Électronik sur ses beats, le jeune CRi faisait du beatbox pour ses amis rappeurs. «J’ai vite compris que j’aimais la musique et j’ai donc fondé, avec quelques amis, un groupe de rap, Feuilles et Racines.» Le natif de Québec assurait les mélodies et prêtait sa voix à plusieurs morceaux, mais il s’est finalement tourné vers le clavier d’ordinateur de ses parents pour apprendre les rudiments de la production de musique. «J’avais un ami qui était producteur et cet univers me fascinait. Alors, j’ai tenté mon coup et j’ai eu la piqûre instantanément.»
À l’époque, Christophe était un étudiant modèle en science politique à l’Université Laval. «J’avais accès à des bourses et j’étais dans les meilleurs étudiants de ma cohorte, mais ça me déprimait au plus haut point.» La pression de rester sur les bancs d’école malgré cette révulsion pour le programme se faisait sentir à la maison. «Mon père est professeur à l’université et il était fier que son fiston suive ses traces, en quelque sorte. Donc, mon choix de tout lâcher ne l’a pas enchanté du tout.»
Ne sachant trop où la vie le menait, il s’est dégoté un emploi de livreur de pizza. «À 21 ans, je me ramassais à mettre du bacon sur des plaques et servir des pizzas aux quatre coins de la ville à longueur de journée, et je faisais de la musique dans mes temps libres.» Ce sera son quotidien pendant près d’un an et demi avant que sa mère le ramène à l’ordre. «Elle m’a poussé à quitter ma job et à partir de la maison pour aller étudier en musique. J’ai déménagé à Montréal peu de temps après pour commencer des études en musiques numériques à l’Université de Montréal.»
Investir dans son rêve
Maîtriser les techniques adéquates pour créer des morceaux accrocheurs ne s’est pas fait du jour au lendemain pour le producteur de musique. «Quand mon premier EP est sorti, en 2013, je ne savais pas comment faire un do sur un piano.» Malgré tout, son amour des rythmes électroniques ne cessait de croître, comme ses ambitions professionnelles. «J’ai toujours été quelqu’un d’entreprenant. Même si je n’avais pas la moindre idée de ce que je faisais au niveau musical, j’ai toujours poussé pour que mon projet avance.»
Le producteur a appris rapidement les bases de la lecture musicale pour «jouer de la vraie musique avec de vrais instruments» et ainsi peaufiner ses connaissances. Il a également investi une somme importante dans l’achat de matériel de son de qualité, dans le but de faire de plus en plus de prestations live. «Mon set-up n’est pas encore optimal et j’ai dépensé environ 20 000 $ dans les dernières années pour ça.»
Christophe ne s’en cache pas: il n’en serait jamais où il en est aujourd’hui sans le soutien de sa mère. «Elle m’a appuyé financièrement pendant des années, parce qu’elle voulait m’encourager à faire ce que j’aime. Ça m’a permis de me concentrer sur mon travail et de démarrer ma carrière sérieusement.»
Vivre de son art... et de la pub
L’argent a tardé à arriver dans les poches du musicien. «J’ai vécu avec 500 $ par mois pendant quatre ans.» «En 2017, j’ai fait un assez bon salaire, mais la majeure partie du montant a servi à rembourser des dettes.» Bien que ses affaires aillent bon train aujourd’hui, l’artiste n’a d’autre choix que de se tourner vers la publicité et la musique à l’image pour s’assurer une rentrée d’argent supplémentaire. «Ça représente littéralement la moitié de ce que je gagne annuellement. Mon projet CRi est encore déficitaire à ce jour.» Il investit d’ailleurs dans sa carrière d’artiste l’argent gagné avec ses contrats de publicité.
Loin de se décourager, le producteur de 28 ans voit l’avenir d’un bon œil. «Oui, il y a toujours des moments difficiles, mais je commence à vraiment percevoir le fruit de mes efforts», raconte celui qui a été sélectionné dans la catégorie album électronique au gala des prix Juno l’an dernier. L’artiste a également fait la première partie de Moderat, un groupe qu’il idolâtrait depuis son adolescence, et participé à plusieurs festivals, dont le Festival international de jazz de Montréal et le Festival d’été de Québec.
Dernièrement, il a pu développer des relations d’affaires avec de grands noms de la musique à Los Angeles, pour un projet d’album. «J’étais devant le building de Capitol Records, où les Beatles ont enregistré quelques albums, et je trouvais ça assez incroyable que mon rêve d’adolescent se matérialise de la sorte.» Il chérit également le rêve d’avoir sa propre maison de disques dans un futur éloigné.
Pour tous ceux qui souhaiteraient lancer leur carrière en musique, Christophe n’a qu’un conseil: travailler sans relâche. «Ça fait six ans que je fais du 50 à 60 heures par semaine et que le studio d’enregistrement est ma deuxième maison. C’est ça, le secret pour percer: il faut avoir la flamme!»
Sa toute récente collaboration avec Charlotte Cardin, où ils reprennent un classique de Daniel Bélanger.