Les boomers n’aiment vraiment pas se faire dire «OK boomer»

Depuis quelques semaines, l’expression «OK boomer» se répand sur le web, comme un feu de paille numérique, laissant une trace de boomers irrités sur son passage.
Pour les non-initiés, cette expression, surtout utilisée par les générations Z et Y (et quelques X particulièrement woke), sert de réponse passe-partout aux commentaires au ton qualifié de dédaigneux, condescendant ou encore méprisant que plusieurs accusent les baby-boomers d’avoir quand ils s’adressent aux plus jeunes.
«Les jeunes de nos jours...», «Les milléniaux...», «Dans mon temps...», «toast aux avocats».
L’origine de l’expression est difficile à retracer, mais elle gagne en popularité sur les réseaux sociaux depuis le début de l’année.
Si ce n’étaient que les friands de culture web qui étaient familiers avec l'expression, le grand public en a pris connaissance le 29 octobre dernier quand le New York Times a publié l’article «OK boomer Marks End of Friendly Generational Relations».
Dans cette galette de 1220 mots, on tire des liens concrets avec l’avènement d’«OK boomer», une expression qui aurait pu jusqu’à ce moment être considérée comme anodine, et la fin des bonnes relations intergénérationnelles.
Si vous passez du temps dans les sections commentaires, les tensions sont difficiles à ignorer.
La montée de la droite, l’inégalité financière, le réchauffement climatique ainsi que la garde-robe de Catherine Dorion sont des sujets qui contribuent à élargir le fossé qui sépare les idéaux générationnels, et comme ces sujets occupent beaucoup de place dans l’actualité, c’était à prévoir que les affrontements impolis se multiplieraient.
Si les jeunes ont trouvé une échappatoire à leurs frustrations en lâchant un OK Boomer, les principaux intéressés ne la trouvent pas aussi comique.
Depuis la publication de l’article du NYT, de nombreux textes d’opinion criant à l'âgisme se sont mis à pulluler comme des mauvaises herbes un peu partout sur le web.
Dans les pages du Guardian, Bhaskar Sunkara plaide q u’alors que plusieurs retraités se débattent pour joindre les deux bouts, avoir des jeunes riches qui leur crient OK boomer est un peu contre-productif.
Dans son texte «Millennials’ extreme hatred for Baby Boomers is totally unjustified», Steve Cuozzo affirme que la haine extrême que les milléniaux épr ouvent pour les baby boomers est totalement injustifiée.
L’animateur de radio conservateur Bob Lonsberry est même allé jusqu’à dire qu’«OK boomer» était l’équivalent du mot qui commence par N...
Même Saint Jude ne sait pas comment la gérer celle-là.
D’autres avancent que tout ce débat est inutile et nous fait perdre le cap de sur notre vrai combat, celui contre la bourgeoisie.
Si on croyait qu’«OK boomer» était un phénomène strictement web, la semaine dernière, la députée au parlement néo-zélandais Chloe Swarbrick, 25 ans, a utilisé la phrase pour faire taire un autre élu qui ne cessait pas d’interrompre son discours sur les changements climatiques.
Évidemment, les tensions entre les jeunes et la génération de leurs parents ont toujours existé, mais la vitesse à laquelle le monde change (trop vite pour certains, pas assez pour d’autres) donne encore plus de place à l’affrontement qu’avant. Et, les réseaux sociaux n’aident pas non plus.
Par contre, «OK boomer» n’est probablement pas le cri de ralliement que plusieurs craignent. Ce n’est pas la phrase clé d’un mouvement qui cherche à écarter tous les gens de 55 ans et plus de la sphère publique.
C’est un meme. Et comme la plupart des memes, il va s'essouffler assez vite. Le fait qu’autant de chroniqueurs se sont déjà penchés sur la question met en évidence que c’est déjà le début de la fin.
Ça peut paraître méprisant et âgiste, et ça l’est sûrement dans plusieurs instances, mais c’est aussi symptomatique d’une frustration plus grande d’une génération qui sent que ses inquiétudes sont complètement ignorées par les autres.
Les X, Y et Z ont certains privilèges que les autres n’ont pas eu, mais ils ont aussi des fardeaux propres à eux-mêmes, comme savoir que le monde se trouve dans un état précaire et que ça laisse une grande partie de la population dans une indifférence totale.
Mais si on tient tant que ça au décorum et à la politesse, la prochaine fois on pourra dire: «Désolé cher soixantenaire. Ce que tu dis ne m’affecte pas.»
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