J’ai fait mes adieux à «l’orme au boulet» du Vieux-Québec

Je dois être passé 150 fois devant depuis ma naissance, et pourtant, je n’avais jamais remarqué cet orme avec un boulet de canon incrusté dans son tronc, situé sur la rue Saint-Louis, près du Château Frontenac.
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J’en avais déjà entendu parler, évidemment. Ce n’est pas tous les jours qu’un arbre se lie d’amitié avec une grosse boule de métal.
«L’orme au boulet» est sans doute le feuillu le plus connu de la Vieille Capitale et, malheureusement, il sera abattu cette semaine en raison de sa grande dangerosité.
Il est rongé par la pourriture et n’a plus que «27 % de bois sain dans son tronc comparativement à 34 % en 2009», a écrit le journaliste du Journal de Québec, Dominique Lelièvre, mercredi dernier.
Même si on lui consacrera une œuvre d’art, je suis allé faire mes adieux à ce grand monument de 17 mètres de hauteur, lundi matin, alors qu’il faisait -24 degrés Celcius ressentis.
Je ne regrette rien.
Le pèlerinage
Quand j’arrive sur la rue Saint-Louis, on entend les drapeaux au-dessus du restaurant Le Parmesan (oui, comme dans le film de Ricardo Trogi) flotter dans le vent.
On dirait qu’ils applaudissent les derniers moments de l’arbre. Ok, non, je beurre peut-être épais.
Je marche ensuite quelques dizaines de mètres et il se tient là, tout fier, mais tout de même en phase terminale.
D’autres personnes semblent déjà s’être recueillies et ont laissé des cadeaux, dont un tapis (?), pour celui qui recevra l’aide végétale à mourir.
Quels beaux gestes.
J’avais apporté une petite chandelle, je l’allume et la dépose près du boulet. Je touche au métal froid pour que l’on connecte.
«Une petite minute de silence», je me dis.
Je n’entends rien sauf... LES BRUITS DU CHANTIER DE CONSTRUCTION À CÔTÉ.
Ça te gâche un hommage, une pelle mécanique.
Je quitte ensuite les lieux avec le cœur bien rempli de souvenirs et les mains complètement gelées.
Un peu d’histoire
Comme l’affirme la Société historique de Québec, l’histoire de «l’orme au boulet» est pour le moins banale.
Il ne s’agit pas d’un vestige de la guerre entre les Français et les Anglais datant du 18e siècle.
L’arbre en question serait apparu dans les années 1920.
Le boulet est en fait une «bombe», «c’est-à-dire un boulet vide dans lequel on pouvait mettre de la poudre ou des matières inflammables», peut-on lire dans la publication Facebook.
«Bien avant qu’il ne prenne racine à cet endroit, non seulement une, mais deux bombes flanquaient l’entrée de la rue du Corps-de-Garde. Une tige métallique était probablement soudée au-dessous et plantée dans le sol pour l’empêcher de bouger. Ils faisaient simplement office de chasse-roue pour éloigner les véhicules et ainsi protéger le coin des murs. En croissant, l’orme en aura emprisonné un, créant ainsi une attraction touristique plutôt insolite», apprend-on.
Comme l’a mentionné un de mes collègues, on aurait pu baptiser l’arbre «Gerry» en l’honneur de Gerry... Boulet.
C’est une excellente idée.
En effet, Gerry était un grand... orme.